soleil & lune (ft. Nara Mugetsu)

L'astre solaire est déjà bien haut dans les cieux et le brouhaha assourdissant d'une cité en ébullition résonne jusqu'au loin. Les murmures d'une vie ardente qui guide les pas de tout à chacun au cœur de celle-ci, une même volonté qui gronde par delà les souterrains et la douce brise d'un délicieux automne. Elle sourit, la malice qui vient éclairé ses pupilles sous un délicat masque d'ivoire et de carmin représentant les espiègles renard tandis qu'elle amuse quelques bambins sur son passage. Une ère de paix, c'est vrai, elle le voit dans les vieux de ces quelques enfants, douce illusion qui vient éclairer leurs frimousses pleines de vies. Mais au fond d'elle, elle n'y croit que trop peu, elle le sait, au fond d'elle, le pouvoir appelle à la violence et la violence au sang. Et cela, c'est la voie du shinobi, les lugubres protecteurs d'une nation, parfois aux ambitions démesurées. Elle n'est pas dupe, la renarde, sous son éclatant sourire, elle s'attend au pire. Un léger frisson vient effleurer l'arrière de sa nuque, délicate brise automnale qui l'a ramène à la réalité. C'est vrai qu'aujourd'hui, elle a de nouveaux devoirs. Désormais devenue à son tour enseignante. Elle se relève sur ses deux jambes, abandonnant les enfants à leurs jeux tandis qu'elle raccroche son masque à sa ceinture. Accessoire puéril, un lien demeurant avec cette innocence arraché, son doux mensonge qu'elle chérie du plus profond de son être. Son regard se porte un peu plus au loin, observant un ciel, bien qu’ensoleillé, bercé par une certaine froideur. Soupir muet, tandis qu'elle reprend sa route à travers le village caché de la feuille, elle n'est pas prête, pas encore, pas a porté cette responsabilité. Mais ce sont les ordres de l'Hokage et ceux-ci font lois. Une nouvelle vérité qui vient arracher une certaine ironie à son éternel rictus, tandis qu'elle se dirige vers les terrains d'entraînements, disant adieu, pas à pas, à la simplicité d'une existence passée. Condamnée à devenir un peu plus adulte chaque jour.

Comme parfois, les terrains sont calmes. Et d'autres fois, ils deviennent presque le nerf vibrant de la cité, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Son regard parcours les larges étendue silencieuse avant de percevoir une silhouette quelque peu familière. Elle se fige quelques instants, reconnaissant assez rapidement la posture, ainsi que la coupe, d'un camarade. Un ancien camarade, membre passé d'une équipe en apparence défaillante, mais pourtant à la mécanique bien huilé. Son sourire vient s'étirer quelque alors qu'elle vient s'approcher du chûnin reconnu à pas de loup dans le dos du camarade. Telle une prédatrice qui s'apprête à fondre sur sa proie, sa démarche est digne des plus habiles félin, elle se fait violence pour encore maintenir le silence, presque sacré, qui règne à cet instant sur le terrain d'entraînement, histoire de le surprendre et provoquer une quelconque surprise, qui briserait bien l'attitude presque glacial qu'il a l'habitude d'arborer à l'égard de tous.

Puis une fois à une portée qu'elle considère comme suffisante, tel un fracas, sa voix cristalline, gorgée de malice vient déchirer le voile silencieuse. « Alors, cher triste sire ! On dirait une nouvelle fois que toute vitalité semble vous abandonnez ! Franchement, je plains les jeunes sous ta tutelle, Mug'. » Puis un léger éclat de rire vient ponctuer ses propos, se jouant visiblement de l'expression presque commune à tout les Nara. Dans cet élan, elle vient s'appuyer contre une clôture à proximité, faisant mine d'observer les alentours. « En parlant de la jeune génération, où sont tes petits protégés ? Ne me dis pas que tu les as déjà terrifier et qu'ils ont déjà fuis... » Conclu-t-elle dans un nouvel éclat de rire cristallin, bien déterminée à charrier son ancien camarade et partenaire de mission.

Une autre journée. Une autre raison. Chaque jour. Chaque matin. Son esprit s’éveillait après une autre nuit sans sommeil. Où la Lune était restée sa meilleure amie, bientôt remplacée par le Soleil. Jetant un regard au dehors, où la vie émergeait de plus en plus, où les gens riaient, se côtoyaient, il se sentait hors du temps. Hors de cet espace où les gens respiraient, se connaissaient, s’entendaient. Et lui, enfermé dans sa propre prison des Ombres, était invisible. Méconnu. Inconnu. Soupir long. Silencieux. Sans que personne ne le sache. Puis une inspiration. Calme. Son torse se levant, il rangea finalement sa chaise, rangea sa chambre. Il rangea, comme un moyen de se concentrer quelques instants.

Regard posé sur les cieux bleuâtres. Bras croisés sur son torse. Assis sur une roche froide du terrain d’entraînement, le Nara était seul. Pour une fois. Ayant délaissé quelques instants ses tâches et responsabilités, les Genins étaient partis faire quelques courses pour lui. Une mission dantesque, à la fois si facile et pourtant si impossible. Il avait demandé des ingrédients toujours plus farfelus, sans aucune logique. Certains étaient même introuvables. De quoi travailler leur détermination. Voir s’ils avaient cette « Volonté du Feu ».

Quelqu’un s’était approché de lui. Dans son dos. Une voix qu’il reconnaissait pourtant. Une ancienne compagne. Une partenaire qui, durant un temps, avait travaillé avec lui au sein de la même équipe. Plus vieille que lui, d’ailleurs. Les dernières rumeurs évoquaient qu’une équipe de la jeune génération se formait sous sa tutelle. Ironie du sort. Ses propres Genins n’auraient-ils pas mieux bénéficié d’une véritable tutelle pédagogique avec la Senju ? Léger sourire aux lèvres, le regard du Nara se tourna vers son ancienne camarade.

Comme toujours, la Senju semblait pleine d’énergie. Déjà prête à en découdre. Tout son opposé. « Peut-être qu’ils sont partis voir le Nidaime, lui demander d’être sous ta tutelle. Ou t’es justement là pour m’encourager à aller le trouver à ce sujet ? Si tu les veux tant, hein, pas besoin de te donner un genre. » Un regard en biais, un sourire légèrement amusé qu’il ne cachait pas. « Que me vaut le plaisir de ta formidable présence, Ikubi ? », en mémoire du temps passé. Durant très longtemps, n’ayant pas fait attention aux présentations, le Nara avait mal prononcé le prénom de la jeune femme. Ikubi au lieu d’Ibuki.

Un sourcil vient se hausser. Est-ce la symbolique d'une certaine irritation, ou l'amusement voilée d'une enfant ? La question ne se pose nullement, le regard de la jeune fille redouble de vivace, pétillant d'un éclat presque solaire, gorgeant d'une malice si caractéristique à l'animal astucieux qu'est la renarde. Elle s'en amuse, comme toujours, et cette même moue qui reste figé sur son visage, rictus presque enfantin, habile comédienne face au monde. Même lui est dupe, face à ce mensonge, même elle se retrouve piégée dans sa propre comédie. Mais qu'importe, cela est la manifestation d'une volonté qui l'a dépasse, alors autant en jouer, comme toujours, faire bonne figure, admiré le soleil, danser, rire... Oui, rire. Un léger éclat cristallin qui résonne, tel un ricanement. Jouons, cette même pensée qui vient balayer le reste, qui transforme l'illusion en acte, le mensonge en unique vérité. Et puis viennent remonter les souvenirs d'une époque, finalement pas si lointaine, les échos d'un temps où ils partageaient bien plus qu'un même titre, mais de nombreuses missions et parfois même un repas. Son sourire s'élargit alors, vient briller de mille feu au reflet de ce simple surnom, Ikubi. Au moins une chose qui vient le distinguer d'autrui.

« Au moins, tu ne peux cacher une certaine originalité, sous cette tête de blaser, Mu. » Ponctue-t-elle à la question du Nara. Après tout, il était le seul à jouer sur cette inversion, le seul à maintenir un surnom qui dépasse bien souvent la logique d'autrui. Mais paraît-il que la logique d'un Nara était un mystère pour beaucoup, pourtant elle, elle ne trouva pas cela si sorcier que ça, au final. « Ce qui est certain, c'est que tu n'as pas besoin de moi pour aller râler. Je ne doutes guère de ton talent sur ce point. » Un léger ricanement cristallin qui résonne légèrement, tandis que les doigts de sa main droite viennent tapoter légèrement le manche de son sabre, simple tic, présent depuis une éternité. Un léger rythme qui vient rompre le silence d'une brève réflexion qui vient ponctuer son précédent éclat. « Honnêtement, je m'ennuyais un peu. Il faut dire, la vie de chef d'équipe, ce n'est pas ce qu'il y a de plus trépidant. Finalement, je plains Senseï aujourd'hui lorsqu'iel a du nous récupérer en sortie d'académie. » Elle marque une nouvelle pause, un léger gloussement l'envahit à cette simple pensée, aujourd'hui, ce sont eux qui prirent le rôle de leur maître. Avant de finalement reprendre, sur une note un peu plus sérieuse, un éclat presque neutre. « Je me demandes bien pourquoi on nous les a confiés. Certes ! Je sais, la parole de l'hokage fait loi, c'est pas vraiment notre job de poser des questions face aux ordres. Mais tout de même ! » Elle conclu sa phrase sur un ton certain, mêlant questionnement et son habituelle énergie, toujours cette affreuse tendance à parler fort et sans filtre, un trait commun à la renarde.

Puis le silence, quelques instants, quelques secondes, cela en est presque reposant, loin du brouhaha de la cité qu'elle apprend quelque peu à fuir, loin de cette masse vivante. Le calme, parfois elle pourrait presque comprendre le plaisir que le Nara trouve dans celui-ci, dommage qu'elle vient trop souvent le brisé, comme un besoin incessant, sans être capable d'accepter pleinement la vie. « Et sinon, tu comptes les perdre quand dans la forêt ? Légèreté factice, boutade familière qui vient une nouvelle fois titiller le Nara, jouant sur bien des aspects de son camarade, ainsi que la réputation de son clan. Simple jeu d'enfant, parfois imprudent, souvent malicieux.

Ils étaient deux êtres différents. Deux personnes que seul le Destin a voulu rassembler. Elle était pleine de vie tandis qu’il semblait dénué de cette même énergie. Un échange équivalent. Pourtant, avec le temps, et de nombreuses discussions avec Terumi, le Nara avait accepté l’existence de la Senju. Il avait appris à vivre avec elle et s’accomodait encore bien de sa présence. Sûrement, avec le temps, il avait réussi à vivre plusieurs jours avec elle. Pour autant, il plaignait sincèrement celui qui finirait par réussir à dompter la Renarde. Une vie avec elle ? … Plutôt payer pour s’en débarrasser. Mais certains préféraient l’énergie débordante de la jeune femme à la voie calme et sereine du Nara.

Deux façons de voir la vie. Deux êtres qui s’opposaient mais qui arrivaient, durant un temps limité, à s’apprécier à leurs valeurs respectives. « Ce n’est pas vraiment une vie pleine d’aventures. Tu vas réussir à entraîner la nouvelle génération ? » Ils échangeaient encore des banalités, comme si les discours étaient retenus. Ils se parlaient vaguement, comme deux inconnus. Il le ressentait bien mais ne savait pas exactement lui dire. Haussant les épaules, soupirant, il se déplia, se couchant sur la roche froide, les yeux clos.

_ J’en veux pas au Nidaime, tu sais. Il fait ce qu’il pense juste et nécessaire. L’année dernière, avec l’embuscade, j’ai été confronté au combat réel, loin des entraînements et des vagues missions. Pour la première fois, j’ai senti que je tapais vraiment dans mes réserves, que chaque Jutsu pouvait être le dernier. », aucune fluctuation dans la voix alors qu’il exprimait pour une des premières fois ce qu’il avait ressenti lors de l’embuscade. Il n’avait pas eu peur de mourir d’un Jutsu adverse. Il avait eu peur de s’épuiser au point de s’écrouler. Même la cicatrice qui coupait son visage en deux n’était qu’un vague souvenir. Seul ce sentiment l’habitait encore. « De toi à moi, je pense que tout le monde est rassuré que je ne recommence pas de nouvelles missions dangereuses. » Il sourit finalement. Il le sait bien. Ses parents. Terumi. Même leur Senseï s’est inquiété, au vu des quelques messages échangés.

_ Quant à toi, Ibu’, ne te torture pas trop l’esprit. » Il ouvre un oeil, le sourire toujours aux lèvres, l’observant et la scrutant pour la première fois depuis son arrivée. « Le Nidaime sait ce qu’il fait. T’es bien plus pédagogue que je ne le serai jamais. » Il ne lui dirait évidemment pas qu’il était sûrement plus intelligent qu’elle. Pour ne pas la vexer. « Et tu connais les plus jeunes, une jolie femme, ils vont un peu baver et t’écouter deux fois plus pour te satisfaire. Moi, je suis un mec … Avec deux mecs, la bonne fortune, non ? » Il souriait encore, fermant son oeil ouvert tandis qu’il posait la paume de sa main devant ses yeux. Se couvrant le regard du soleil endiablé, il reprit encore un peu.

_ Je comptais les perdre d’ici deux semaines. Un petit stage de survie, histoire de voir ce qu’ils ont dans les intestins. »

_ Sinon. Un jour. Cela te dirait une partie de Go avec un thé et des galettes en accompagnement ? Pour passer mon ennui. » Loin de là de lui proposer un autre genre de rendez-vous, il lui faisait exactement savoir pourquoi il lui proposait le jeu. Il s’ennuyait et cherchait à se divertir comme il le pouvait.

Les pensées vagabondes. Comme souvent lorsque le passé est évoqué. Et celui-ci, elle le connaît que trop mal, étant absente lors des faits, déplacée sur une autre tâche, elle n'avait reçue que les échos et parfois même, de sinistres murmures. Faisant mine de réfléchir à sa question précédente, doux mensonge, mais celui-ci plutôt mal habile, jouant parfaitement son rôle, incapable de balayer cette éternelle moue de son visage, comme un masque qui lui colle à la peau. Cette fameuse embuscade, finalement un tournant majeur dans le récit de leur équipe, peut être la conclusion, car depuis, plus rien ne fut pareil. Un soupir muet qui vient glisser entre ses lèvres, elle se condamne au mutisme lorsqu'il s'agit du passé, refusant d'y replonger, certainement par peur de s'y noyer. Alors, elle détourne la tête, le regard distrait plonger au cœur de l'azur céleste, comme une échappatoire à une réalité qu'elle fuit depuis bien trop longtemps. Et le calme revient gagner quelques instants l'endroit, les tapotement de ses doigts cessant même sur le manche de son sabre, pour que ses mains viennent se rejoindre dans son dos. Seul un léger sifflement vient rompre ce calme, celui de la renarde qui fredonne un air si familier, pourtant dont elle-même à oublier l'origine, certaine une balade qu'elle entendit auparavant et qui vient, comme un parasite salvateur, hanter son psyché, envahissant chaque recoin de ses pensées.

« Moi, me torturer l'esprit ? Ah ah! » Un éclat cristallin qui revient comme un écho, une ponctuation harmonique qui s'impose presque naturellement. « Tu sais bien que c'est pas mon genre. J'ai plus tendance à agir puis réfléchir. Simplement que je m'ennui en ce moment. » Presque pour rebondir sur ses derniers mots, ajoutant dans un même élan pour lui répondre. « Et ce n'est pas ton Go ni ton thé qui viendra tuer mon ennui, Mu. A moins que tu souhaites plutôt me tuer d'ennui, ce serait efficace je penses. » Conclu-t-elle simplement, préférant ne pas relever sa remarque précédente, une optique qu'elle n'apprécie guère, malgré le compliment qui la précédait. Elle même ne se considérait pas comme pédagogue comparer aux apparences. Certes, elle possédait un certain talent pour amuser l'enfance, ainsi que ce qui l'entourait. Mais enseigner, c'était tout autre chose, cela la condamnait à sacrifier quelque chose qu'elle refusait de sacrifier, une liberté certaine désormais liés au destin de jeunes genins. Autant dire que l'image était loin d'être plaisante pour la renarde, elle qui s'était si longtemps contenter d'une certaine forme de superficialité dans ses relations humaines. Voilant ainsi sous une habile farce les ombres qu'elle abritait.

Un soupir délicat vient se glisser entre ses lèvres, tandis que son regard regagnait peu à peu la terre, ébranlant presque son éternel sourire. Elle ne rayonnait plus tant que cela la renarde, une image surprenante. Le masque se fissure, l'espace d'un instant alors qu'elle se détache de son appui sur les grillages du terrain d'entraînement, explorant de quelque pas cet endroit qu'elle connaît si bien. « Les miens, je veux dire par là, les genins que je devrais formé, je ne les ai pas encore rencontrer. Cela devrait se faire d'ici peu, paraît-il. Mais je sais que la rumeur à déjà fait le tour du village. Je réfléchis encore ce que je vais en faire. » Venant ponctuer d'un léger soupir, s'éloignant un peu du Nara, elle ferme les yeux un instant, humant légèrement l'atmosphère du terrain d'entraînement. « Mouai, plus pédagogue. Dis plutôt que je sais amusé la galerie, faire la pitre. Ça, c'est la vérité. Mais enseigner, c'est tout à fait autre chose. » Elle marque une nouvelle pause. « A propos de l'année passée. Je suis certaine que c'est ta nonchalance et ton flegme habituel qui ont jouer en ta défaveur. » Vient-elle conclure, sur une note un peu plus légère, gorgée de malice. Ainsi, la supercherie est sauvé, le masque restauré et le spectacle peut reprendre.

Sans aucune véritable surprise, la Chûnin, ancienne comparse, avait refusé le Go. Elle savait très sûrement qu’elle risquait de perdre, ce qui ne l’intéressait pas. Ou peut-être avait-elle tourné la page du passé. L’ancienne équipe n'était-elle qu’un vestige ? Ne reprenant pas le désistement de sa coéquipière, le Nara se contentait de conserver le silence, l’écoutant. Il n’avait pas vraiment grand chose à dire. Elle était en pleine spirale, dans ce déni et ce doute. Elle ne savait pas ce qu’elle valait alors qu’elle était sûrement l’une des meilleures de sa promotion. Et s’ils n’avaient pas la même intelligence, elle l’était. Il le savait bel et bien, même s’il ne lui ferait sûrement jamais l’aveu.

Que pouvait-il vraiment lui répondre ? Dans son esprit, les yeux fermés, il réfléchissait à la meilleure réponse. Proie aux doutes, angoissée de découvrir son équipe, la Senju était un véritable rempart en ces instants. Autant dire que les mots ne l’atteindraient sûrement pas. Mais il n’avait pas non plus le courage d’en faire de trop. Ni même l’envie, en vérité. Elle était différente de lui. En cet instant où elle mentionnait toutes ses inquiétudes, il n’avait pas les mots. Comme souvent. Alors, les sourcils froncés, il cherchait. Une réponse.

Haussant les épaules aux dernières paroles de celle-ci, il tentait un mince sourire. Oui, comme toujours. Evidemment. Tout le monde remettait la faute sur lui. Sur sa nonchalance. Son manque de volonté apparent. Prévisible. Il poussa un soupir et, roulant sur lui-même, il se releva. Il n’avait plus l’envie d’en parler. « Ouais. Sûrement que cela doit être cela. », lâchait-il rapidement tandis qu’il se levait, la suivant du regard.

_ Tu verras bien. Nul doute que tu feras l’affaire. Tu étais déjà douée en tant que Genin, continue sur ta lancée en tant que Chûnin. Puis tu recevras les congratulations du Nidaime et tu seras nommée Jûnin. » Il sourit tendrement. Il essaie encore de la rassurer mais il sent bel et bien qu’elle s’éloigne. Elle retourne à son habituel elle, infatigable. Impossible à suivre. Elle ne parlera pas non plus aujourd’hui. Il le savait déjà.

Distraitement, elle vient haussé les épaules. Il était rarement aussi généreux en compliment. Les yeux rivés vers le sol, un bien étrange rictus se dessine sur ses lèvres, entre l'amusement et l'ironie d'une telle situation. Un soupir passé sous silence vient se glisser entre ses lèvres tandis que le doute persiste à l’assaillir, tant de questions qui demeurent sans la moindre réponses. Hanter par les spectres de son passé, vestiges d'une existence tout autre, une ère où ses sourires étaient gorgé d'une sincérité authentique. L'authenticité, une chose qu'elle avait fini par abandonner, choisissant de devenir la prisonnière de son propre mensonge. Au final, rare était ceux et celles qui connaissait son véritable visage, au delà de ce sourire soleil, au delà de cette malice qu'elle arbore comme bouclier face à un monde trop cruel. Il léger ricanement fuse entre ses lèvres avant de finalement faire volte-face au Nara, toujours égaré dans ses pensées, la démarche est distraite, comme celle d'une enfant qui s'égare dans des méandres inconnus. Le psyché débordant, comme trop souvent, la souffrance est là, elle demeure toujours, sans pouvoir pour autant s'exprimer. La renarde valse, danse avec le point de rupture, l'écho d'une rage qu'elle refoule depuis si longtemps, funeste brasier qui attend, patiemment son heure, qui gronde sous sa misérable carcasse.

Et le masque, toujours présent. Elle relève la tête vers son ancien partenaire, sans venir rompre le silence dans un premier temps, laissant planer cette délicate atmosphère, offrant presque un doux rêve à ses oreilles, délicate utopie qu'elle est pourtant incapable de maintenir. Au final, plus terrifiée qu'elle souhaite l'admettre face au silence. « Peut être... Mais quelle importance ça a, au final ? Ça n'a de cesse de se répéter, tel un cycle... Naître, se battre, pleurer puis la paix, les félicitation pour ensuite à nouveau combattre et mourir cette fois. » Elle marque une pause, faisant mine de réfléchir quelques instants. « On dirait presque ton fameux jeu de Go. » Habile ironie qui vient se faufiler entre ses lèvres. Malgré la légèreté qui habite sa voie, cette douceur certaine alors que la mort vient hanté ses mots. Délicate distance qu'elle crée entre elle, et ce monde, comme si les pas assourdissant de la faucheuse ne la terrifiait pas, comme si elle l'a percevait comme une salvation. Une danse macabre entre la renarde et l'inévitable trépas.

Elle relève alors le regard vers les cieux, plongeant presque dedans, laissant peu à peu ses pensées vagabonder, semblant abandonner ce monde dans un élan de simplicité, une simple conclusion, venant définitivement rompre la vérité pour aujourd'hui. La renarde décide de se terrer dans son mensonge de miel, l'esprit comme happer par une force qui les dépasse tous. « Bref ! En tout cas, contente que tu tiennes à nouveau sur tes pattes. Et puis la cicatrice, ça donne un certain style, je suis certaine que tu dois toute les faire tomber... » Elle marque une nouvelle peu, bien plus brève, reprenant simplement les taquinerie ponctuer d'un clin d’œil. « A moins que toute ton attention soit absorbée par une certaine kunoichi qui t'a fortement à l’œil. » Un léger gloussement vient conclure sa phrase, plaisantant sur la proximité du Nara avec leur partenaire.

Comme elle était étrange, la Senju. Le Nara n’était plus exactement dans ses meilleures humeurs. Terni par la présence de la jeune femme, le Chunin avait commencé à se plonger dans sa propre torpeur. Ses propres démons. Ils virevoltent constamment. Ils riaient. Se moquaient. Il avait toujours peur de perdre contre eux. De se laisser aller à la solitude. A l’abandon de son énergie vitale. Il craignait, qu’avec le temps, il ne soit plus capable de les vaincre. Et, plus le temps passait, plus les batailles devenaient longues et pénibles.

Avait-il espéré, ce jour-là, lors de l’embuscade, qu’il viendrait à mourir dignement ? Comme un Shinobi ?

…

Il la regardait et se montrait silencieux. Il l’écoutait, évidemment. « Je ne crois pas en la guerre, Ibu’. Je haïs la guerre, tu sais. J’ai souvent cette sensation que c’est seulement une excuse légitime que certains se donnent pour pouvoir tuer en toute impunité. Que toute notre rage peut alors s’exprimer sans que personne ne la juge. » Il haussait les épaules. Depuis toujours, dans ses souvenirs, le Nara avait exprimé des idées orientées sur la défense et non l’offensive. Il préférait réagir qu’agir. Il détestait l’idée même de tuer pour pouvoir vivre.

Était-il finalement moins Shinobi que tous ceux qui l’entouraient ? Peut-être.

Il ne put pourtant s'empêcher de rire, malgré son humeur maussade. Définitivement, la Chunin se trompait sur sa relation avec Terumi. « Oh que non. Elle ne m’intéresse pas dans ce sens. C’est un peu comme … Une sœur jumelle, une binôme, quoi. Mais elle se montre aussi protectrice que ma famille à ce sujet. » Puis glissant doucement ses doigts sur la cicatrice qui lui barrait le visage. « Je ne m’en vante pas, Ibu’. Si cela plaît à certaines, je crois qu’elles ne s’affolent pas pour autant à ma porte. »

S’asseyant à nouveau sur le rocher, regardant cette dernière qui ne pouvait pas s’arrêter de bouger, il tentait de la décrypter. Encore après tout ce temps, il ne savait dire ce qu’elle pensait. Comme un voile qui les séparait constamment l’un de l’autre. Comme un rempart qu’elle imposait autour d’elle. Curieusement, chaque offensive avait résulté en un cuisant échec. « Et de ton côté, alors, tu vas aussi me dire que les hommes ne te courent pas après ? Ou t’es plutôt à les chasser du bas de ta porte ? » Il sourit, taquin. Elle ne dira encore sûrement rien sur sa situation personnelle. Comme toujours.

« Pourtant la guerre fait partie de la nature humaine... » Un soupir à peine audible, murmure funeste qui résonne comme une condamnation, oui, l'homme n'a jamais eu de cesse de se battre. Que ce soit pour ses ambitions, ou sa propre survie. Même le Nara en a fait les frais après tout. La violence, elle fait partie de cette terrible nature qu'est l'humanité, elle le savait au fond d'elle et cela la condamnait. Le tourment de cette pensée était sans pareil, dans cette racine profondément ancré dans leur culture, elle y avait perdu son soleil. Et c'est la rage accroché aux tripes qu'elle demeure, sous le masque. Et pourtant, elle pourrait se raccrocher à cette chose qu'elle possède, ce nom, Senju, ceux qui ont sans cesse œuvrer pour la paix, mais elle n'y parvint pas. Non, elle sait, et l'histoire le démontre, cette violence coule aussi dans leurs veines, dans les siennes, prêts à tout pour leurs idéaux, une autre forme de l'ambition. C'est un soupir las, muet qui se faufile entre ses lèvres, au rythme de sa respiration, devenu simplement l'écho inaudible de sa vérité. De l'image du monde qu'elle possède dans ses pupilles. Mais l'heure n'est pas aux confessions, pas pour elle, le masque demeure.

Et sa voix cristalline résonne, en réponse à ce petit jeu, entre la Senju et le Nara, quelques taquinerie d'enfant, comme une douce comédie. « Je ne manges pas de ce pain là. » Lapsus inconscient, elle ne réalise l'impact de cette simple formulation. Pourtant survint la correction automatique, un psyché qu'elle ne tient pas son contrôle, venant refouler l'authentique, ne laissant qu'illusion. « J'ai pas vraiment le temps à accorder à ''l'amour''. Puis ça m'intéresse pas, je suis bien ainsi. Sans un garçon dans les pattes. » Simplicité presque vulgaire. Comme si le cœur s'était éteint. Sa voix résonne sur les fréquences de l'innocence, encore trop jeune pour s'intéresser à ce doux poison, préférant accorder son temps à ses jeux d'enfants. Aussi absurde que le reste. Alors qu'au fond, son âme vibre pour l'interdit, délicatement, s'immisce les pensées qu'elle chasse en un instant, la douceur d'un baiser tant désirée, un feu tout autre. Fantasme rompu d'un idéal qui brise les codes, qu'elle n'accepte pas. Les autres peut être, mais elle, jamais, elle ne peut être ainsi.

Elle décoche un nouveau regard vers les cieux, toujours ce même azur, on pourrait presque croire qu'il sera capable de balayer tout les maux de ce monde. Une voûte presque enchanteresse qui vient apaiser le soudain malaise qui envahit l'être de la renarde, elle est terrifié, au fond d'elle, incapable de se confronter à ses démons. Aux murmures incessantes des vérités qu'elle refoule. Une phrase vient alors rompre le silence, boutade enfantine. « Il faut dire, tu souris pas assez pour les attirer à toi, mon cher. Honnêtement, tu n'imagines pas à quel point on peut se sentir honorée avec Teru, quand tu acceptes de nous faire une petite risette. » Elle conclue sur un éclat cristallin, rire sincère. C'est vrai, elle peut se dire, sur certains aspects, qu'elle se sent chanceuse. Chanceuse de vivre, serais-ce finalement suffisant ? Elle est là où d'autres n'ont pas eu la chance d'être. Une année, oui, désormais, elle avait vécue une année de plus que sa grande soeur. Une chance, non ?