Lune véritable (feat. Hyûga Kazuho)

L'obscurité règne, au cœur de l'hiver. Konoha devenue dame silencieuse, tandis que les dernières chaumières s'endorment sous ce doux voile d'ivoire. Elle est belle ainsi, la cité où règne la volonté du feu, décorée par les premières poudreuses de l'année. Oh que oui, sous son délicat manteau blanc, la dame resplendit d'un éclat nouveau et sous la caresse d'une lune d'or, elle n'en est que plus enchanteresse. Spectacle trop souvent ignoré par ceux qui l'habite, au grand damne des âmes qui errent au cœur de la nuit, spectres aux regards perlant les étoiles de la voûte céleste et elle en fait partie. La renarde, sujette à l'insomnie, les murmures de la nuit ne lui échappe pas à elle qui fuit une nouvelle fois le sommeil. Et le masque tombe, les larmes roulent le long de ses joues, silencieusement, avant de venir s'écraser sur le parquet dans un fracas tonitruant aux oreilles de la jeune Senju. Psyché et cœur meurtri par ses propres démons, il s'est volatilisé le sourire solaire qu'elle affiche au monde, tel un rêve qui s'enfuit et la vérité éclate sous la bienveillance de la mère lunaire. Au moins ici, personne ne saurait, personne n'entendra cette réalité qui lui déchire les entrailles et l'âme. Comme de nombreux soirs, elle pleure la perte de son soleil, elle maudit ce monde cruel en silence. Alors que quelques heures plus tôt, alors que la nuit s'installait à peine, elle se revoit encore sur les murailles encerclant la demeure du clan Hyûga, se faufilant habilement entre chaque ronde, pour venir glisser un bout de papier sous une porte, quelques mots, tout simple. Ne m'oublie pas. Comme une invitation, une habitude, oui, ce genre d'habitude qui vient illuminer le quotidien de n'importe qui. Un simple rendez-vous, à l'endroit habituel, en retrait de la cité. Là où des cerisiers sauvages fleurissent en été. Trône presque naturel pour deux jeunes femmes qui défient le monde.

Et puis glisse entre ses lèvres, tandis qu'une dernière larme s'échappe de ses pupilles, un doux soupir, presque libérateur. Pourtant, aucun éclat demeure, aucun mensonge ne rayonne sur son visage, non, ce n'est pas nécessaire. Pas avec elle. Silencieusement, une porte glisse au cœur du domaine du clan Senju et la renarde ne fait plus qu'un avec la nuit. Elle se volatilise dans les ombres, laissant derrière elle cette farce qui lui colle tant à la peau. Avec elle, pas de mensonge. Cette unique pensée accrochée au cœur, elle n'est plus la même, laissant jusqu'à l'angoisse quelque peu déformée ses traits. Mais une question demeure, toujours la même depuis quelques temps, à chaque fois qu'elle sait qu'elles se retrouveront. Pourquoi est-ce mon cœur s'emballe de cette manière?. Aucune réponse, du moins qu'elle est prête à accepter. Rien d'autres que le silence.

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Et elle contemple la nuit, paysage dont la superbe dépasse l'absolu. Un léger sourire, gorgé de tristesse, se dessine sur son visage tandis qu'une légère brise glaciale vient la caresser. Elle ferme les yeux quelques instants, profitant de cet instant, tandis que le vent balaye peu à peu ses démons et que ce parfum si familier parviennent jusqu'à ses narines. La douceur vint l'envahir tandis qu'elle la reconnaît, sans même avoir besoin de la voir. Un léger éclat cristallin vint déchirer le silence, quelques mots d'une tendresse infinie. « J'ai failli attendre. » Elle, celle qui représente tout ce qu'elle s'interdit sans même le savoir, gardienne d'une vérité que la renarde a voulu mille fois enterrer six pieds sous terre. La seule, l'unique qui l'a connaisse sans son masque, loin de cette misérable farce qu'elle impose au monde. Sa rivale, son amie, une Hyûga. A croire que ses pupilles savaient desceller la vérité chez la Senju. Lentement, elle se tourna, les mains croiser dans le dos, faisant face à la seule qu'elle souhaitait voir à cet instant précis, la seule à qui elle n'a pas besoin de mentir. Bien que cela soit encore un mensonge à elle-même. Son sourire vient éclairer son visage, tandis naturellement, une larme roule sur sa joue. Non, elle ne peut faire décidément semblant, ni voiler ce mal qui l'a ronge face à elle.

Ne m'oublie pas. Kazuho est honnêtement surprise de recevoir ce mot. Soulagée, aussi. Ces derniers temps, Ibuki a mis de la distance entre elles. Patiemment, sans insister ou lui reprocher, la Hyûga continue comme si de rien n'était, mais ce silence et cet éloignement lui pèsent plus qu'elle ne le voudrait. Avec n'importe qui d'autre, elle se serait sans doute permise de l'ouvrir, et plutôt en vitesse, or avec Ibuki, c'est... Compliqué. Elle ne saurait pas trop l'expliquer. La peur de la perdre. De perdre l'une de ses seules amies et son seul repère véritable. Un peu stupidement, l'espace d'un instant, elle tient le bout de papier contre son cœur, puis le range délicatement (trop délicatement pour la femme qu'elle est) dans un tiroir.

D'un pas résolu, elle s'extirpe des artères du quartier Hyûga. Elle a quelques affaires à régler avant de pouvoir rejoindre Ibuki. Rien qu'elle ne puisse remettre, malheureusement, combien même son esprit vagabonde déjà jusqu'à l'endroit de leur rendez-vous.

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Lorsque les rayons de lune découpent la silhouette d'Ibuki au loin, Kazuho ne peut pas s'empêcher l'ombre d'un sourire. « M'embête pas, va. Rétorque-t-elle. J- » Elle s'interrompt quand elle voit le reflet brillant d'une larme dévaler la joue de son amie. Son cœur manque un battement ou deux, tandis qu'un rire nerveux secoue ses lèvres. « Eh... Là, shhh. » Elle essaye de rassurer comme elle peut, alors que ses enjambées se font de plus en plus pressées. Bientôt, la distance entre elles n'est plus que de quelques dizaines de centimètres. « Je suis pas à ce point en retard, quand même... Tente-t-elle un trait d'humour. » D'un pouce, elle essuie la larme qui dévale la joue d'Ibuki. Elle déteste la voir dans cet état. La voir triste. Ce serait facile, s'il y avait un responsable tangible : il suffirait de faire ce qu'elle fait le mieux, pense-t-elle, frapper. Mais, mieux que quiconque, Kazuho sait que c'est le passé, qui ne cesse de tourmenter son amie. Parfois, souvent, la Hyûga se dit qu'elle est mieux d'avoir oublié. Simplement oublié. « Viens là. » Ses bras s'ouvrent pour se refermer sur les épaules d'Ibuki. Logée là, les corps si proche, Kazuho soupire de soulagement. C'est comme si ses poumons respiraient à nouveau. De la Hyûga ou de la Senju, on se demanderait presque à qui cette étreinte fait le plus de bien.

La vérité, c'est surtout qu'elle ne sait pas. Elle ne sait pas ce qu'elle devrait faire. Elle ne sait pas ce qu'elle pourrait faire. Et pire que tout, elle ne sait pas où elles en sont... Puisqu'il faut apparemment se poser la question. La peur de perdre Ibuki se loge plus inconfortablement dans les entrailles. Mais là encore, Kazuho ne dit rien. Elle a trop peur de briser quelque chose. Trop peur que ce moment s'arrête. Trop peur. 

Les gestes de la Hyûga sont d'une telle douceur, alors qu'elle balaye la larme qui roule le long de sa joue d'un simple doigt. Et la renarde se laisse porter par la délicate étreinte, posant quelques instant sa tête contre sa poitrine. Elle ferme les yeux, quelques instants, une paix mérité où son souffle s'apaise quelque peu, elle est comme une bouffée d'oxygène. Pourtant, la douleur, elle ne parvint à l'effacer, a balayer les spectres qui persistent à la hanter, elle ne parvint à apaiser ce feu qui bouillonne dans ses entrailles. Alors elle reste silencieuse, encore quelques instants, les bras ballant le long de son corps, se relevant faiblement, pour à son tour entouré son amie, au niveau de ses hanches. Et ça lui fait tant de bien, cette proximité dangereuse, tellement qu'elle ne s'en prive pas. Désireuse que cet instant demeure, jusqu'à effacer l'ensemble de ses maux. Qu'elle vienne la libérer de ses fantômes, car certainement était elle la seule à en être capable. Son cœur s'emballe un peu plus, sans que la Senju puisse l'expliquer. Mais ce n'est pas douloureux, bien au contraire, tandis que son palpitant s'agite, son âme semble presque envahit d'une certaine légèreté, sa respiration devient plus profonde, humant inconsciemment la parfum de sa précieuse amie, s'imprégnant de son odeur. Comme pour marquer au fer rouge cet amour qu'elle s'interdit, il est trop tôt, un murmure encore passé sous silence.

Et le silence demeure, s'étire encore quelques instants, sous le regard bienveillant de l'astre lunaire. Elle se laisse presque emportée par le rythme du cœur de la Hyûga, comme bercée par une douce mélodie. Avant de venir rompre l'harmonie de cet instant dans un éclat cristallin. « Je suis vraiment désolée... Désolée de te faire subir ça... » Dit-elle, sans relever la tête, gardant son amie contre elle, ne souhaitant pas rompre cette étreinte si précieuse à ses yeux. « Je suis simplement... épuisée... » Des mots lourds de sens. Trop lourd même, elle ne veut pas la faire souffrir, pourtant elle est seule à connaître cette vérité sur la renarde, terrible fardeau qu'elle impose à son amie.

Le doute, la culpabilité l'assaillent. Sa voix tremble, elle a peur, peur de la perdre, peur de la blesser, tout ce qu'elle se refuse. Elle ne veut pas, elle veut plus... Non, elle se l'interdit, alors que son corps tout entier hurle cette agonie qu'elle s'inflige. Elle veut que cet instant soit figé dans le temps, elle serait même prête à se figer dans la glace, avec elle, si cela lui permettait de ne jamais rompre cet unique moment. Pourtant elle sait, elle sait qu'elle fuit en ce moment, en proie à de nouveaux démons qu'elle n'assume guère. L'interdit devenus de nouvelles chaînes à sa propre existence. Ces retrouvailles pourraient tout balayer, si seulement elle possédait cette chose qu'elle a perdu depuis si longtemps. De l'audace, un simple éclat pourrait tout changer. Mais à la place, c'est la peur qui la paralyse, qui se faufile sous chaque parcelle de sa carcasse. Elle tremble légèrement, mais les apparences sont trompeuses, ce n'est pas le froid qui en est le déclencheur.